La perpétuité a été requise contre l’étrangleur de la Robertsau. Mais comment juger une affaire, 30 ans après?

1986, une fillette de 11 ans violée et laissée pour morte, une adolescente de 17 ans tuée avec une cordelette, un jeune homme de 23 ans à l’époque, auteur “présumé” de ce fait divers sordide, surnommé l'étrangleur de la Robertsau :ce dossier est certainement l’affaire de l’année aux Assises du Bas-Rhin.

Cet après-midi, la Cour rend son verdict. La perpétuité a été requise par l'accusation. 

Construction et destruction

Mais comment juger une affaire 30 ans après ? Nicolas Charbonnier, l'accusé aujourd’hui âgé de 53 ans, a construit une seconde vie près de Bordeaux avec femme et enfant. Marion (41 ans au procès, la petite fille violée en 1986), reste hantée jour et nuit par cette agression. 

Cette ombre que j'ai sentie sur moi, je la vois tous les soirs depuis 30 ans. 

Patricia, 48 ans, a mis en fuite l'agresseur qui venait d'étrangler sa sœur Martine,(17 ans au moment des faits). Pendant longtemps, elle a eu peur de « croiser son agresseur à chaque coin de rue. »

Tout remonte à la surface

30 ans après ces crimes, toutes les images reviennent à la surface pour les deux victimes. Comme un boomerang. François Biringer est docteur en psychologie, expert près la Cour d'Appel de Colmar. Témoignage en vidéo sur Tchapp.

Une affaire non résolue pendant 30 ans, c'est tout le travail de deuil qui est resté en suspension. L'arrestation de l'agresseur a réactivé le traumatisme, mais elle a permis aussi aux victimes d'entrouvrir une porte pour commencer un travail, sinon de reconstruction, au moins de re-stabilisation.

Un fantôme qui prend vie

Si Marion et Patricia ont été confrontées à la mort, l'étrangleur/violeur est resté pendant 30 ans un « souvenir fantomatique forcément déstructurant ». 

Durant ces cinq jours de procès, elles ont pu mettre un nom, un visage, mais surtout des mots sur leurs maux. 

A partir du moment où l'affaire n'est pas résolue, les victimes sont dans l'incapacité de se projeter dans une réalité sur laquelle étayer un discours. Elles ont besoin d'une parole pour commencer ce travail. Que le discours tenu par l'accusé soit faux, qu'il s'agisse d'un mensonge ou qu'il soit dans le déni, ça leur permet de replacer la perception du traumatisme dans un registre dit ‘symbolique’. 

“Son passé est leur présent”

Ce registre symbolique concerne la capacité de représentation. Il est lié à l'acte de parole. Et celles prononcées ce matin par Laurent Guy, l'avocat général, ont réconforté les victimes. 

30 ans, c'est long, c'est beaucoup. Mais ce temps n'a pas rendu moins aigüe la souffrance des victimes et de leurs familles. L'accusé doit affronter ce passé qui est encore aujourd'hui le présent de Marion et de Patricia

a-t-il insisté dans son réquisitoire en demandant la réclusion criminelle à perpétuité contre Nicolas Charbonnier. 

“On ne peut pas gagner seul”

Mais 30 ans après les faits, ce verdict suffira-t-il à apaiser les victimes ? L’expert psychologue François Biringer reste mesuré. 

Je ne sais pas. Cette condamnation, aussi lourde soit-elle, reste de l'ordre de la compensation. Mais elle va donner lieu à un repositionnement, à une réorganisation de vie et de personnalité. Ce n'est pas gagné d'avance et ça ne se fera pas seul. On a besoin de tiers pour y arriver.

Le verdict dans l’affaire de “l’étrangleur de la Robertsau” est attendu avant la fin de journée aux Assises du Bas-Rhin.

 

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