“Au fil d’Altaïr” est un atelier textile éco-responsable installé dans le quartier de la Meinau à Strasbourg.

Nous pourrions vous assommer de chiffres pour jouer au petit économiste éclairé.

Un peu plus de dix personnes en insertion (la raison d’être du lieu), jusqu’à 100 durant la période Covid en 2020, quand l’atelier de confection s’est lancé.

Du tricot fabriqué tous les jours, du fil ici, du tissus là. Blah, blah...

Les nouvelles machines de la toute nouvelle bonnèterie (juste le couloir en face) inaugurée il y a peu, ont couté bonbon au groupe Altaïr qui gère le projet.

On s’en fiche pas vraiment, mais le plus important est ailleurs. 

C’est le courage…

Voici en plein coeur d’une zone indus de Strasbourg, un endroit où quelques gentils fêlés ont pour ambition de montrer que oui, on peut changer les codes d’une industrie textile quand même largement vérolée.

Mass market, production à bas coûts, avec des conditions sociales souvent déplorables, l’univers textile se résume à de grands groupes européens (entre autres), qui font une ruée vers l’Est (l’Asie), pour se remplir les poches avec le fast fashion. On caricature, mais à peine...

Le seul chiffre que vous devez retenir c’est celui-ci : 83. 

C’est en euros le salaire moyen mensuel d’un ouvrier textile au Bangladesh, pays fournisseur des grandes marques installées au coeur de Strasbourg. Ou d’autres villes bien évidemment. 

83 euros par mois ! Pour vous fabriquer un t-shirt il faut aussi le reconnaitre, un peu pourri de piètre qualité, mais pas cher. 

Cinq balles ? Sept les deux ? La belle affaire, et ça fera une chouette photo frime sur insta.

Il faut rajouter aussi qu’en ces temps de prise de conscience de l’urgence écolo (à géométrie variable...), faire traverser 20 000 bornes à des slips ou des pantalons, c’est pas glop.

Nouvelle donne

“Au fil d’Altaïr”, c’est l’inverse. Et rien que pour la démarche, cocorico et hopla geis. 

Voici une boite française (alsacienne) qui a pour objectif de donner du taf à des personnes en réinsertion. 

Et de fabriquer du textile à Stras. 

Et de fabriquer la matière première à Stras.

Et de faire bouger les consciences depuis Stras.

Manque de bol, le projet s’est lancé en plein covid (quoi que, il y a eu des masques à fabriquer). 

Et il prend son véritable élan en pleine crise inflationniste. 

Parce que c’est bien beau de dire “nous fabriquons en France nous au moins bordel de zut !”, il faut parler au portefeuille du consommateur avant tout.

Et côté pépettes, c’est dialogue de sourds.

Les prix du textile ont augmenté en moyenne de 6% en 2022.

Dans ce contexte, deux secteurs s’en sortent : le luxe, et la seconde main. 

Des enseignes ont bu le bouillon, le marché du textile n’est pas dans une forme olympique. 

Et Altaïr alors ?

Oui, on sait que c’est galère. Pour tous les fabricants français. C’est la guerre des prix. Mais nous portons cette démarche local, éco-responsable, et nous misons sur un bouleversement des consciences depuis le Covid.

explique Cassandra Lorentz, la responsable commerciale de l’atelier. 

Coucou les collectivités 

Altaïr va se frotter à Hennes & Mauritz (H&M pour les intimes) ?

Que nenni. Ils sont courageux nos Strasbourgeois, pas inconscients. 

Leçon de marketing : tu viens de t’acheter une machine à tricoter toute neuve (tu fais ce que tu veux avec ton argent de poche). Tu vises qui, avec tes ambitions sociales et écologiques ?

Bravo, tu as trouvé : les institutions locales, les entreprises, les collectivités, les professionnels au sens large, genre l’électricien qui a besoin d’un pull canon bleu pétant pour ses équipes.

Tu vas aussi créer une branche qui imaginera des produits maison, qui seront ensuite écoulés dans le secteur. 

Et puis tu vas faire des bonnets, des sacs, des pantalons, d’autres trucs cool, que tu vendras dans une boutique en ligne sur internet, 

Soutenez la démarche. Jetez un oeil sur la production balbutiante de ce jeune atelier textile alternatif. 

Achetez un bonnet fabriqué à Strasbourg en polaire, 25 balles.

Ok, c’est plus cher que le truc informe acheté dans un shop dont le nom fini par “...thlon”, mais c’est de Strasbourg, c’est l’idée justement, c’est pour participer à sauver tes miches d’un désastre écologique annoncé par les plus grands scientifiques si on change pas nos habitudes. 

Et en passant, tu n’apportes pas ton obole financière à des multinationales qui payent 83 euros par mois (83 !!!), le malheureux qui va se tuer à la tâche à l’autre bout du monde pour ton bon plaisir consumériste.

Ça fera aussi plaisir au comptable du groupe Altaïr, qui se dit certainement en se rasant le matin que même si la démarche est éthique, et donc louable, il va falloir en produire du tricot pour rentabiliser les fameuses machines qui ont couté bonbon…

Tchapp a visité l’atelier, vidéo dans le player.

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